Vaincre
Jules Ferry. Une locution volontairement provocatrice.
Et inspirée par le passionnant ouvrage d’Avraham Burg « Vaincre
Hitler » publié en 2008.
Evidemment, nullement
question de mettre en parallèle l’épouvantail du XXème siècle avec
le promoteur de la 3ème République ! Seulement, cet ancien président
de la Knesset s’évertue à y montrer à quel point le « culte de la Shoah »
empêche la nation israélienne de se construire avec un positionnement local
efficace. A quel point, dans la pratique politique de ce pays, la Solution
Finale pèse négativement sur tous les choix. Une constante qui, dans la
fournaise du Proche Orient, n’a pas lieu, selon lui, d’être prise en considération.
Autant dire que la Shoah y pèse d’un poids purement mythologique.
Mythologie.
Le lien entre les deux titres.
Si
j’ouvre cet espace de débats, de réflexions et de controverses aussi, je l’espère,
c’est justement parce que le Ferry des lois scolaires me semble relever dorénavant
du mythe. Paralysant. Et inefficient.
Je
n’ai absolument aucune acrimonie contre le personnage. Bien au contraire. Il s’est
montré à la fois d’une efficacité redoutable et d’une habileté remarquable !
Quand il accède à la présidence du Conseil en 1880, il s’attelle à deux
chantiers prioritaires pour la toute jeune 3ème République.
D’abord,
pérenniser un système politique républicain qui n’avait surnagé qu’entre 1792
et 1804 puis entre 1848 et 1852. 16 ans sur 82 ! L’arbrisseau de la
Liberté n’était vraiment pas enraciné solidement dans le sol français !
Ensuite,
le pays se relevait à peine de l’humiliation de 1870. Le territoire avait été
amputé de ses « marches orientales ». Il fallait préparer et
instruire, voire endoctriner, la population française pour qu’elle fonce enfin
unie vers la Grande Revanche.
Bilan.
38 ans après, la France gagnait sa guerre.
Et la 3ème République n’abdiqua que 60 ans plus tard sous l’effet d’une
invasion étrangère.
On
lui doit également une partie de la solidité de notre régime politique qui a
repris ses droits dès que la parenthèse pétainiste fut refermée. Ses lois scolaires
ont effectivement fondé le socle républicain. Je crois qu’on peut le louer pour
la pertinence de son œuvre.
Je
sais bien que de nombreuses personnalités, essentiellement contemporaines, se
sont émues de sa politique d’expansion coloniale. Ses justifications semblent
évidemment difficilement défendables pour les français d’aujourd’hui. Seulement,
à son époque, ce choix semblait tellement évident ! Toutes les nations
européennes y adhéraient. On ne peut pas le blâmer d’avoir été un homme de son
temps. Donc, évacuons ces considérations morales. Laissons-en l’étude objective
aux historiens.
Il
existe bien certains choix discutables dans ses lois scolaires de 1882. J’y
viendrai prochainement. Mais, pour l’essentiel, sa politique éducative s’est
révélée d’une totale efficience.
Xavier Amon ntrar.com
Alors,
me direz-vous, où se trouve le souci ? Pourquoi vouloir absolument « vaincre »
Jules Ferry et ce qu’il a mis en place avec brio ?
Petite
chronologie explicative.
15
mai 2012. Le tout nouveau Président François Hollande se déplace pour célébrer Marie
Curie. Et Jules Ferry. En déposant une gerbe de fleurs au pied de sa statue dans
le Jardin des Tuileries. Il déclare placer son mandat sous le parrainage moral
de ces deux personnages. Humble praticien de l’Education Nationale et citoyen
anonyme, ce choix m’interroge. Marie Curie, pourquoi pas. La défense des
femmes, la science et l’intégration sont toujours d’actualité. Par contre,
Jules Ferry…
Je
me précipite, dès qu’elles sortent, tous les trois ans, sur les enquêtes PISA. Notre système scolaire
s’y montre de moins en moins performant depuis 2000… Est-ce vraiment pertinent
de ressortir la figure tutélaire de Ferry ? A-t’on encore besoin d’une
population unifiée et belliqueuse ? Dubitatif.
13
août 2014. Je visite le musée de l’école publique à St Clar dans le Gers (http://www.musee-ecole-publique.fr/). Très intéressante initiative d’une
association locale. Pas d’hagiographie excessive. Un louable travail d’histoire.
Seulement, quels points communs entre notre France actuelle et celle d’avant 1914 ?
Même si l’urbanisme et l’individualisme de la société capitalistique s’y développait
déjà, la population scolaire était encore majoritairement rurale, familiale et
catholique. On y avait encore besoin de « bras » en grande quantité
pour le labour et la baïonnette. Plus quelques élites instruites pour les
encadrer et les diriger. En 2014, par contre, on sait que la France, pauvre en
matières premières et en main d'oeuvre bon marché, a un besoin économique structurel
et croissant de « matière grise ».
Ces
différences ne seraient que peu de choses si Jules Ferry ne servait plus que de
« grand-père » berçant agréablement nos élans nostalgiques. Seulement,
entre ces deux dates, dans les différentes publications ministérielles, j’ai
retrouvé les mêmes antiennes qu’en 1882 ! Egalité des chances. Formation et
épanouissement du citoyen. Cohésion nationale… Ce n’est plus le sympathique papi.
C’est toujours le Gardien et l’Inspirateur du Temple Laïc ! Le Grand
Inquisiteur Républicain. Le totem suprême. Mythologique. Intouchable. Indépassable.
Egalité
des chances. Cohésion nationale. Formation et épanouissement du citoyen. Tout
juste y a-t’on adjoint européen, ce qui ne peut que me convenir. Mais que
constate-t-on ?
Egalité
des chances... Selon ces fameuses enquêtes PISA, le système apparait de plus en
plus inégalitaire chaque année ! Je sais, qu’à chaque publication, le
psittacisme politico-médiatique de rigueur s’enorgueillit de fustiger ces
épreuves « d’obédience anglo-saxonne » qui dévalorisent notre
système national d’enseignement. Les thermomètres de l’OCDE doivent être, par
nature, sectaires… Et nos homologues allemands, australiens, chinois ou brésiliens,
foncièrement tous anti-français… Pourtant, nos brillants résultats économiques
prouvent, sans discussion aucune, l’efficience de nos formations !...
Cohésion
nationale… Les classes moyennes maigrissent allègrement depuis 20 ans. Et les
partis antirépublicains atteignent des scores record…
Quant
à la formation et l’épanouissement du citoyen… Les taux d’abstention aux
scrutins s’envolent. Au moins 100 000 jeunes sortent chaque année du
système scolaire sans qualification. Et, toujours selon ces mêmes études PISA,
décidément vipérines, l’élève français se situe parmi les plus anxieux au sein
de son établissement. Heureuses prémices de sa participation et de sa future
intégration sociales…
Peut-on
encore fonctionner sur la base de tels principes ? Pour le moins
inopérants aujourd’hui.
Pourquoi
s’accrocher à cette éternelle « liturgie » républicaine de vœux pieux
?
Ces
« crédos laïques » sont partie constituante de notre histoire
nationale. Très bien. Qu’on les confie alors aux historiens.
Et
que les législateurs actuels s’en affranchissent.
Pour
repenser une école efficace. Comme celle de Jules Ferry.
Mais
plus la même !
Je
sais que beaucoup m’objecteront qu’elle n’est déjà plus identique à celle de
1882. Oui, le public est différent. Les conditions d’enseignement également.
Mais les principes et les structures sont étonnamment figés.
Ce
que je tenterai de vous relater dans les prochaines publications.
A
bientôt.
N’hésitez pas à commenter. Même et, surtout, si vous avez
des désaccords.
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